Règles et compétitions ne font pas bon ménage du fait des performances moins reluisantes et à l’incommodité des joueuses à compétir en pleine période menstruelle. Pourtant les femmes jouent au football comme leurs homologues masculins, elles s’entraînent quotidiennement, s’affrontent lors de nombreuses rencontres, gagnent des trophées comme eux à la seule différence qu’en plus, elles doivent faire face aux défis de la biologie. Comme toutes les femmes, les footballeuses sont sujettes aux menstruations qui ont un impact conséquent sur leur état physique et mental. Le préjudice porté aux performances des joueuses du fait de leurs règles, jadis délaissé dans les instances de gouvernance du football, est de plus en plus brisé et revient avec acuité afin de permettre aux joueuses d’être épanouies et d’obtenir de bonnes performances tout au long du mois. « La période de menstruation des footballeuses, est un sujet qu’on aborde régulièrement vu que les mentalités ont évolué aujourd’hui par rapport à il y a quelques temps. Les menstruations doivent être abordées et prises en compte dans le football féminin pour éduquer et édifier la footballeuse sur son cycle menstruel, aux désagréments causés par celui-ci, et essayer de trouver des solutions visant à adoucir voire réduire ces sensations désagréables pendant les règles », indique Bernadette Anong, entraîneure adjointe de la sélection nationale Camerounaise.
*Les conséquences des menstruations sur le physique, l’émotionnel et le mental des footballeuses.*
Dans le football en particulier les règles constituent une gêne pour les joueuses que ce soit sur le plan physique, émotionnel ou psychologique. Ange Bawou gardienne des Lionnes Indomptables du Cameroun « mon cycle menstruel dure pratiquement 5 jours et cela s’accompagne généralement de douleurs au niveau du bas ventre. C’est une période d’inconfort et stressante à la limite car psychologiquement il y a des retenus lors des entraînements et de certains matchs, il y a des gestes qu’on ne peut pas faire parce qu’on se demande est ce que ma serviette hygiénique va tomber ? Est-ce qu’elle va se déplacer ? Ce sont des petites questions comme ça qu’on se pose lorsqu’on est sous le feu de l’action pendant les règles. »
Même son de cloche pour sa coéquipière à l’équipe nationale Melvis Tantoh dont les règles limitent son rendement en affectant ses conditions physiques. «J’éprouve de fortes douleurs au bas ventre pendant les 2 premiers jours de ma période de 5 jours. Ces douleurs généralement couplées à une forte fatigue m’empêchent souvent de m’entraîner et d’être efficace sur le terrain. Au point où en sélection national comme en club, quand il m’a souvent été demandé de faire certains enchaînements ou efforts pendant mes règles, on a constaté que le résultat n’est pas le même comme quand je ne saigne pas. »
Au Cameroun, les menstruations ne sont plus tabou. « C’est un sujet qu’on aborde davantage. Dans beaucoup de centres de formation ce sujet revient sur la table pour préparer la jeune fille footballeuse à faire face aux désagréments causés par le cycle menstruel. Car celui-ci a un impact à différents niveaux émotionnellement, physiquement et dans la performance. Et comme les manifestations sont diverses en fonction des filles, nous en parlons pour mieux les préparer à gérer cette situation. » affirme la coach Bernadette Anong. À en croire les joueuses actuelles de la sélection nationale la présence féminine dans le staff des entraîneurs est rassurante. «C’est facile de discuter de ce genre de sujet avec des dames pour expliquer la situation. Elles se montrent toujours compréhensives. On me mettait systématiquement en repos pendant les 2 jours douloureux de mon cycle et puis je revenais dès que je me sentais mieux. Parfois certaines me disaient tu peux faire avec en dépit de la fatigue immense. Tu récupéreras plus tard. » raconte Melvis Tantoh.
Même si les manifestations des menstrues chez les footballeuses sont diverses, les règles réussissent à affecter les joueuses. D’expérience, la coach Bernadette Anong confie « certaines joueuses quand elles saignent sont un peu plus fortes, émotionnellement touchées, affaiblies, effacées ou surexcitées. Personnellement, quand je jouais et que j’étais en période, je devenais un peu plus rugueuse, surexcitée comme si j’avais pris une petite drogue. En prenant de l’âge j’ai développé d’autres symptômes comme les douleurs aux articulations et une fièvre passagère. Par contre il y en a qui peuvent réaliser une bonne performance donc ça dépend des organismes». C’est dans cette dernière catégorie que se trouve la gardienne Ange Bawou, « Je ne pense pas que mon cycle menstruel m’empêche d’exercer même comme je ne peux pas faire certains gestes pendant cette période. Intérieurement je me dis que je ne peux pas louper une opportunité importante pour une situation naturelle et temporaire parce que le saignement c’est une période passagère. Je ne peux pas perdre une opportunité parce que je saigne. c’est une situation qui s’est vite adaptée avec ma profession et je gère plutôt bien», rapporte l’internationale camerounaise.
Les menstruations sont également favorables aux blessures chez les footballeuses, elles modifient les niveaux hormonaux, et le corps est plus ou moins sensible à l’effort. Selon une étude, le cycle menstruel est un processus inflammatoire et une inflammation excessive peut entraîner une blessure. En effet à cause du taux de globules rouges et de fer en baisse lors des règles, le cycle menstruel interfère avec les performances des joueuses de haut niveau, particulièrement lorsqu’une fatigue physique et mentale est constatée. « Quand une femme est en période elle perd énormément en sang et en éléments minéraux. Ce qui peut provoquer l’anémie. Je me rappelle d’un match à l’étranger et l’une des joueuses de l’équipe nationale m’avait déjà signalée la veille que sa période arrivait et que ça la dérangeait. Elle était dans tous ses états. Je lui ai demandé de consommer le fer, beaucoup d’eau et d’essayer de se relâcher. Le lendemain le jour du match elle était dans le 11 de départ car on c’était dit que ça ira. Mais avant l’échauffement elle m’avait encore interpellé pour me faire part de ce qu’elle avait des vertiges et autres. Je l’ai signalé à l’entraîneur principal qui ne l’a pas fait jouer. Car si on prenait le risque de la faire entrer, elle se serait certainement blessée. À ce moment elle risquerait se faire mal physiquement et mentalement, ce sont des situations un peu compliquées que nous vivons », explique Bernadette Anong, sélectionneure adjointe de l’équipe nationale féminine du Cameroun.
Hors mis la gêne causée sur les performances des footballeuses, les règles déteignent sur la coquetterie des joueuses. L’entraîneur en chef de Stoke City, Lou Roberts, a déclaré à cet effet: « C’est réel, l’anxiété à propos des règles pouvant commencer avant ou même pendant le match et l’embarras qui y est associé, cela affecte évidemment les performances des joueuses. Avoir l’impression de ne pas être concentrés sur le jeu, probablement inquiètes d’être exposées dans un environnement dans lequel les femmes devraient se sentir détendues et apprécier. » Le stress lié aux menstruations poussent les joueuses dans un soucis de pudeur à exiger aux équipementiers des tenues en fonction de leurs cycles menstruels, notamment dans le choix des couleurs. Ce 22 juillet 2022, à l’occasion de l’Euro féminin de foot, des joueuses anglaises et françaises ont justement demandé à Nike, leur sponsor, d’adapter leur équipement à leurs cycles menstruels. « C’est très bien d’avoir une tenue entièrement blanche, mais ce n’est pas forcément adapté quand nous avons nos règles. On essaye de gérer ça comme on peut », a confié Beth Mead, attaquante de l’équipe d’Angleterre, au Telegraph. En octobre 2022, l’équipementier Puma et Manchester City annonçaient que les shorts pour femmes ne seront plus blancs à partir de la saison prochaine 2023-2024 mais bleu marine. Le club a expliqué dans un communiqué que la décision était due à la création d’un environnement permettant aux joueuses de « se sentir à l’aise et d’être performante à leur plus haut niveau. Nous avons toujours parlé de soutenir les joueuses du mieux que nous pouvions, d’améliorer le niveau des filles autant que possible, pas seulement dans ce club, à tous les niveaux pour le football féminin », lit-on dans le communiqué du club.
*Des pistes pour essayer de maîtriser ces nuisances*
Depuis quelques années le sport féminin grandi et est de plus en plus reconnue à sa juste valeur. Il faut souligner que chaque cycle est différent et que même s’il existe une grande généralité, il vous donc s’entraîner intelligemment et ce quel que soit le sport pratiqué. Les menstruations auront un rôle sur l’humeur, la fatigue et les douleurs. Il y aura des pics d’énergie des pics de faiblesse. Heureusement, ces symptômes sont de plus en plus abordés librement, et les avancées qui en résulte contribuent sans hésiter à une meilleure éducation de la footballeuse. Pour la coach Bernadette Anong «Il faudrait que les joueuses consomment des aliments qui vont les apporter le fer avant et après leur période rouge. Quand j’en consommais j’avais moins de difficultés, de fatigue et de gêne. Elles devraient boire beaucoup d’eau et se reposer suffisamment. Car la récupération à ce moment est très importante. Comme le sommeil, la nutrition, la boisson et des massages si possible pour apaiser un peu l’état de fatigue, les douleurs. Il vaut mieux limiter les efforts d’endurance et se concentrer sur le renforcement musculaire, la technique ou faire du fractionné. Ce sont les petites astuces qu’on les prodigue ».
Elle poursuit en disant « le staff technique se doit aussi d’être présent et à l’écoute des joueuses. En sélection nationale il y a des mesures prises sur le plan médical. Le docteur de l’équipe prévoit des serviettes hygiéniques dans son kit, des fers, des éléments qui peuvent aider à la récupération. Sur le plan social également des mesures sont prises. Nous en tant que techniciens sur le terrain nous ne forçons pas la joueuse parce que nous gagnerons à lui éviter des désagréments physiques surtout au niveau des articulations parce que la plupart quand elles sont en période les articulations subissent le plus de pression et peuvent facilement créer des blessures à ce moment. Nous prenons cela en compte et nous prenons des mesures pour cela sauf si elle se sent bien elle peut le faire mais dans le cas contraire elle ne peut que suivre un traitement pour qu’elle soit moins fatiguée moins. »
La prise en compte des cycles menstruels pourrait être salutaire pour les formations sportives camerounaises. Partant du principe selon lequel les règles ne doivent pas être synonymes d’arrêt du sport, des voix s’élèvent pour une meilleure prise en compte des footballeuses. La coach Anong déclare d’ailleurs qu’il faut «déjà considérer que c’est une fille et qu’elle elle est différente du footballeur de sexe opposé, même au niveau de son entraînement. Ce sont des choses qu’on enseigne déjà à l’école la spécificité des deux. Pouvoir éduquer la jeune joueuse à partir de son équipe de base et lui apporter des moyens pour qu’à ce moment elle soit moins embarrassée ce sont des points sur lesquels nous devons nous améliorer pour avoir une meilleure performance. De même pour la footballeuse mère, nous devons mieux les traiter et les valoriser pour qu’elle ne soient pas dans le manque. Régulariser salaires réguliers pour qu’elle puisse s’occuper de ses enfants contribuera à sa concentration. La Guinness Super League et la FECAFOOT ont tenu leurs engagements par rapport aux salaires des joueuses la saison dernière et nous encourageons cela. Aujourd’hui la footballeuse se sent un peu plus autonome et elle peut s’autogérer c’est quelque chose à encourager mais nous avons encore un bon bout de chemin à faire », conclut-elle.
En vue de l’épanouissement et du développement du football féminin, adopter davantage les menstruations dans le sport féminin porte à croire que les lignes bougent pour une meilleure considération des difficultés des femmes dans le domaine du sport et du football en particulier.
Droits d’auteur 2022©kick442.com
Tous droits réservés. Ce matériel et tout autre contenu numérique sur cette plate-forme ne peuvent être reproduits, publiés, diffusés, écrits en totalité ou en partie, sans l’autorisation écrite de notre direction.
Ce site n’est pas responsable des contenus affichés par des sites externes
English 
French